Aux USA, les scandales en Major League Baseball (MLB) n’ont cessé de croître lors des trente dernières années. Un lien commun ? Le dopage et l’utilisation de substances ou méthodes illégales dans le but d’améliorer la performance. Un dopage bi-dimensionnel, à la fois physiologique et mécanique.
Stéroïdes, hormones de croissance, amphétamines : l'arsenal du joueur de baseball !
En baseball, l’usage de produits permettant l’amélioration de la performance a toujours été de coutume. En 1889, le lanceur Pud Galvin utilisa un supplément de testostérone. Plus tard, Babe Ruth, illustre joueur de l'histoire de la MLB, s'injecta une substance provenant des testicules de mouton...une technique qui s'avèrera être un fiasco puisqu'il terminera malade.
Petit à petit l’utilisation des produits va se généraliser et trois d'entre eux vont sortir plus ou moins du lot : les amphétamines qui permettent d’augmenter la concentration, la réactivité et la lucidité ; les stéroïdes et les hormones de croissance qui stimulent, elles, l’augmentation de la masse musculaire, concourant à rendre les athlètes plus forts et puissants.
Malgré l’aide de ces produits dans l’amélioration du physique des joueurs de baseball, le questionnement est grand sur leur vrai bénéfice dans un sport qui demande, outre de la force, des qualités comme la coordination œil/main, le traitement de l’information, l’anticipation, l’équilibre, la souplesse ou le relâchement.
Cependant les stéroïdes et l’hormone de croissance seront les deux épicentres des scandales qui secoueront le baseball : The Steroid era et l’affaire Biogenesis.
THE STEROID ERA : le dopage au service du baseball
Sur un plan sportif, 1994 marque le début supposé de l’ère des stéroïdes dans ce sport majeur outre-atlantique et le constat à cette époque est alarmant. La grève (la plus longue tous sport américains confondus) dont est victime la MLB a des effets délétères et la fréquentation des stades diminue de 20% en 1995 par rapport à la saison précédente. C’est par le recours fréquent à l’utilisation supposée de stéroïdes par les joueurs de baseball que la MLB va réussir à se sauver.
Bien que cette substance soit inscrite sur la liste des produits interdits en 1991, jusqu’en 2003 la MLB n’effectue aucun test la concernant. Durant cette ère, les chiffres offensifs vont grimper en flèche. 1997 va marquer l’apogée avec le duel pour le Race for the Record (la course au record de Home-Run (HR)) que vont se livrer Mark McGwire (Saint Louis Cardinals) et Sammy Sosa (Chicago Cubs).
Ce duel va tenir les USA en haleine durant la saison entière. C’est le joueur des Cardinals qui aura le dernier mot en l’emportant soixante-dix HR contre soixante-six pour le joueur des Cubs. Quelques années plus tard, ce record sera battu par Barry Bonds (San Francisco Giants) qui n’avait d’ailleurs jusque-là jamais atteint la marque des cinquante HR lors de toutes ses précédentes saisons.
Les deux tableaux ci-dessous montrent deux statistiques illustrant parfaitement cette augmentation significative des chiffres offensifs en comparant trois périodes, à savoir : celle qui précède la Steroid Era et la période post Steroid Era.
Date | 1983 - 1992 | 1993 - 2002 | 2003 - 2012 |
Nombre de Home-Runs | 3443 | 4782 | 4549 |
Statistiques en nombre de Home-runs sur trois périodes (Avant – Pendant - Après l’ère des stéroïdes)
Date | 1983 - 1992 | 1993 - 2002 | 2003 - 2012 |
Joueurs avec +40 HR en saison | 1,4 | 10 | 6,1 |
Statistiques en nombre de joueurs à plus de quarante Home-Runs par saison (Avant – Pendant - Après l’ère des stéroïdes)
Face à la forte hausse des statistiques offensives, les suspicions n’ont fait que grandir d’années en années. McGwire confessera, en janvier 2010, avoir utilisé des stéroïdes pendant une dizaine d’années, principalement dans l’optique de récupérer de ses blessures. Il avouera : "J'aurais aimé ne jamais toucher aux stéroïdes. C’était stupide et une erreur. Je voudrais vraiment m’excuser. Avec le recul, j’aurais aimé ne jamais jouer pendant l’ère des stéroïdes.”
Sur un plan économique, le business pour les joueurs et la MLB a été plus que juteux. Une étude menée en 2007 par quatre personnes de l’université de Berkeley, “Steroids and Major League Baseball” , dresse un état des lieux économique suite à l’utilisation des stéroïdes dans la ligue américaine. Les joueurs avec l’augmentation de leurs performances offensives et particulièrement l'OPS [(On Base plus Slugging) c'est-à-dire la moyenne de présence sur base + la moyenne de leur puissance (simple + double + triple + HR)] ont vu leur salaire annuel augmenter jusqu’à deux millions de dollars en 2004. Les franchises de MLB ont vu leurs valeurs moyenne exploser, au point de passer de cent quarante millions de dollars en 1994 à trois-cent trente-deux millions en 2004.
Excluant toutes questions d’ordre éthique, tous les acteurs de la ligue ont donc été les grands gagnants de cette ère stéroïdienne.
L’affaire BIOGENESIS, les vieux démons ressurgissent
Au même titre que la Steroid Era, cette affaire BIOGENESIS est un scandale qui a frappé de plein fouet la MLB. La clinique anti-vieillissement Biogenesis of America, alors dirigée par la famille Bosch, est suspectée d’avoir fourni des substances dopantes interdites à de nombreux joueurs stars de la MLB. C’est en tout cas ce qu’affirme Tim Elfrink, un journaliste du Miami New Times, le 22 janvier 2013.
Le scandale prend sa source en la personne de Porter Fisher, ex-employé de la clinique, qui possède plusieurs documents incriminant l'établissement et contenant entre autres les noms des joueurs concernés.
En mars 2013, la MLB poursuit Anthony Bosch (directeur et reconnu comme faux médecin) et ses associés pour “avoir activement participé dans un plan pour solliciter ou inciter les joueurs à acheter ou obtenir des produits dopants."
Un grand nombre de joueurs stars vont alors connaître des sanctions. Ryan Braun est le premier a être lié à l’affaire et écope de soixante-cinq matchs de suspension en juillet 2013. Un mois après, la MLB fait une razzia et suspend treize joueurs, dont douze pour cinquante matchs. Le treizième, Alex Rodriguez, le joueur de troisième base, star des New York Yankees et ex-compagnon de Jennifer Lopez, subit une suspension de deux cent onze matchs.
Le commissaire de la MLB, Bud Selig, affirme : “Nous avons conduit une enquête approfondie et agressive orientée par des faits afin de pouvoir renforcer à juste titre nos règles. Nous avons poursuivi cette affaire parce que c'était non seulement la bonne chose à faire, mais la seule chose à faire”.
Néanmoins et malgré cette déclaration, ces scandales font surtout lumière sur l’incapacité de la MLB à instaurer une politique anti-dopage de qualité afin d’éradiquer le phénomène.
Une lutte contre le dopage en question
Les instances dirigeantes de la MLB ont longtemps semblé fermer les yeux sur l’utilisation de substances dopantes dans leur sport. En effet, l’obligation de tests anti-dopage n’a commencé qu’en 2003 suite à l’affaire Balco. Cette affaire avait fait le jour sur un laboratoire, dirigé par Victor Conte, qui fournissait des produits dopants à tout un gratin d'athlètes américains dont Marion Jones, célèbre sprinteuse.
Les doutes concernant l’utilisation des stéroïdes planaient plus que fortement, d’autant plus que leur utilisation était interdite.
La lutte anti-dopage a commencé en 2003 avec l’instauration d’un test dans la saison, par joueur et par an, allant de la simple remontrance pour un premier test positif à un an maximum en cas de cinquième test positif. Ces faibles sanctions ont même montré qu’il était plus rentable pour un joueur de s’acquitter de la suspension ou de l’amende (entre 15000 et 100000 dollars) que d’arrêter de se doper.
En novembre 2005, les suspensions se sont durcies légèrement allant d’une suspension de cinquante matchs pour le premier test positif sans percevoir de salaire à un bannissement de la MLB à vie pour un troisième test positif.
Enfin, depuis 2014, l’étau s’est de nouveau resserré sur les joueurs prompts à se doper. Un premier test positif est sanctionné de quatre-vingt matchs de suspension, un deuxième de cent-soixante deux matchs et le troisième d’un bannissement à vie du sport du baseball. Le tout avec retenue de salaire.
Bien que la politique de lutte se renforce en MLB, on peut quand même très fortement douter de l’efficacité, eu égard des très faibles suspensions comparé à certains sports où la première sentence est souvent une suspension de deux ans pour un premier test positif et à vie pour le second.
Dans l’histoire de la MLB, on note quelques récidives, le cas récent de Robinson Cano et, pour le moment, un cas de suspension à vie, celui de Jenrry Mejia des New York Mets.
Le dopage matériel, un autre fléau ?
On restreint souvent le dopage à la seule utilisation de substances illégales, il est pourtant de notoriété publique que la performance peut également être améliorée par le recours à l’utilisation illégale et biaisée de son matériel sportif. Encore une fois le baseball ne déroge pas à la règle. Parmi ces dopages matériels, on peut relever deux améliorations illégales distinctes.
La première a fait l’état de l’utilisation par certains joueurs de battes en liège leur conférant un avantage certains. En réduisant le poids de la batte ils ont ainsi pu faire voyager la balle plus vite et plus loin sur leur frappe. Cette utilisation est listée comme violant la règle 6.03 (a)(5) qui stipule que "le batteur est jugé éliminé lorsqu’il utilise ou essaye d’utiliser une batte, qui selon le jugement de l’arbitre, a été modifié de telle manière qu’elle améliore la distance ou qu’elle cause une réaction inhabituelle sur la balle". Depuis 1970, six joueurs ont été suspendu de huit à dix matchs pour l’utilisation de battes en liège. Sammy Sosa, des Chiago Cubs étant l’un d’eux.
La seconde, c’est l’utilisation par les lanceurs de la résine plus communément appelée "Pine Tar". Son utilisation s’est multipliée car elle permet d'améliorer un des facteurs les plus importants de réussite du lancer : l’augmentation de la rotation de la balle. Cette amélioration génère une vélocité plus importante et une balle plus cassante la rendant beaucoup plus difficile à frapper pour un batteur. Trevor Baueur, lanceur des Dodgers de Los Angeles, admet pour The Players’ Tribune : “Pendant huit ans, j’ai essayé de réfléchir à comment augmenter la rotation sur ma fastball car cela pouvait être un avantage colossal. Je savais que si je pouvais apprendre à l’augmenter par l’entrainement et la technique ça pouvait être énorme. Mais huit ans plus tard, je n’ai rien trouvé si ce n’est l’utilisation de substances étrangères.”
Bien que cette utilisation soit proscrite, la MLB se heurte à deux problèmes. Le premier est le camouflage de plus en plus réussi de ces substances ; le second est un phénomène qui frappe tous les sports dans tous les sujets : la loi de l'omerta. Le silence règne autour de ces pratiques et les joueurs, comme leurs franchises, sont conscients de ce qu'ils ont à perdre si cela venait à éclater au grand jour.
Cette saison, quatre joueurs ont été suspendus par la MLB pour une durée de quatre-vingt matchs. Les trois lanceurs et le champ centre ont tous utilisés des produits dopants.
Depuis une quinzaine d'années, le nombre de suspensions pour utilisation de produits dopants reste assez régulier (entre quatre et huit) dont deux gros pics en 2005 et 2013 avec respectivement douze et quinze suspensions ces saisons-là.
La MLB parviendra-t'elle à durcir encore sa politique de contrôle, afin d'éradiquer, un jour, ces phénomènes de dopage ?
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