top of page

Josef Bican : De la gloire à l’oubli

Dernière mise à jour : 7 mars 2022

Josef Bican est un footballeur autrichien puis tchèque qui a marqué de son empreinte son sport entre les années 1930 et 1950. Il serait à ce jour le premier à avoir franchit la barre des mille buts dans sa carrière, devant le mythique Pelé et Cristiano Ronaldo. En avance sur son temps à travers sa discipline sportive, il fut aussi un homme politique actif, fervent opposant à la montée du communisme au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Seulement, le coup de Prague de 1948 permit aux communistes d’accéder au pouvoir et bouleverse le visage politique de l’Europe et plus précisément, celui de la Tchécoslovaquie. Les nouveaux dirigeants du pays n’hésitèrent pas à écarter leurs opposants de la vie politique, à l’image de Josef Bican, qui tomba peu à peu dans l’oubli. Revenons sur les traces d’un footballeur que peu connaissent aujourd’hui mais dont l'histoire hors-norme mérite d'être entendue.




Josef Bican, de son surnom « Pepík », est né le 25 septembre 1913 dans l’Empire d’Autriche-Hongrie au sein d’une famille pauvre, d’une mère Autrichienne, employée dans un restaurant, et d’un père Tchèque, nommé Frantisek, footballeur au Hertha Vienne. Ce dernier décède prématurément d’une blessure rénale lors d’un match à l’âge 30 ans alors que son fils en avait à peine 8.


Le jeune Josef marche dans les traces de son père et commence à pratiquer ce sport malgré la tragédie. Il joue alors régulièrement dans les rues du quartier populaire de Favoriten à Vienne, essentiellement composé d’immigrés tchèques. L’époque difficile que son pays traverse, embourbé dans le sanglant conflit de la Première Guerre Mondiale, n’empêche pas le jeune garçon insouciant, de se consacrer pleinement à sa passion.


Sa grande précarité sociale ne lui permet pas de se payer des chaussures et tape donc pieds-nus dans ses premiers ballons à travers les rues de Vienne. Josef dispute ses premiers matchs de football dans les clubs de Schustek et à Farbenlutz dans lesquels il enchaîne les buts : 24 réalisations en 23 matchs avec son premier club. Il y développe une qualité athlétique exceptionnelle et acquiert la réputation d’être très rapide pour son époque, capable de parcourir cent mètres en 10,8 secondes à l’adolescence. Sa vitesse se conjugue avec la précision de son jeu. Il marque notamment des tirs finement placés dans la cage des gardiens adverses.



Son talent lui permet d’être repéré à l’âge de 18 ans par le centre de formation du prestigieux club du Rapid Vienne. Il joue tout de suite en équipe première et devient professionnel malgré sa non titularisation. Il marque 40 buts en 36 matchs lors de ses deux premières saisons et devient vice-champion d’Autriche en 1933 et 1934, avant de glaner le titre en 1935.


A titre individuel, il finit meilleur buteur du championnat en inscrivant 29 buts avec 22 matchs disputés. Il y reste quatre saisons et inscrit un total de 90 buts en 75 matchs. Ses statistiques lui permettent même d’être sélectionné en équipe nationale d’Autriche par Hugo Meisl, le sélectionneur de l’époque. Josef Bican dispute ainsi la deuxième coupe du monde de l’Histoire. Il y marque 14 buts en 19 matchs.


En 1937, il décide de rejoindre le Slavia Prague, club de la capitale tchèque, un des meilleurs d’Europe. Son choix s’explique par la menace de « l’Anschluss », l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne nazi en 1938. Il retrouve ainsi la terre de ses ancêtres et son avenir se poursuit à Prague. Il y améliore sa réputation de joueur de classe internationale en remportant notamment la coupe Mitropa, l’ancêtre de la Ligue des champions. Par la suite, sa notoriété ne cesse de prendre de l’importance, à tel point qu’il décide de demander la nationalité tchécoslovaque et l’obtenir. Il se met alors à jouer pour la sélection de son nouveau pays et inscrit 12 buts en 14 sélections.



La Seconde Guerre Mondiale freine temporairement sa carrière, mais entre 1937 et 1949, il inscrit tout de même 533 buts en 277 rencontres, toutes compétitions confondues. Selon l’International Federation of Football History & Statistics, il aurait marqué 1468 buts en championnat, ce qui relève davantage de la légende que de la réalité par l’approximation des sources de l’époque. Il aurait plus précisément marqué 821 buts dans sa carrière.


Seulement, ce chiffre compte ceux qu’il a inscrit en tant que joueur amateur et se réduit alors au nombre de 805 d’après la FIFA, la Fédération tchèque (FAČR) et la RSSSF (Recreational) Sport Soccer Statistics Foundation). Il serait ainsi devant les stars planétaires du ballon rond en termes de buts inscrits en club et sélection nationale confondues. Cristiano Ronaldo se classerait deuxième en 2021 avec 778 buts en 1077 matchs et Lionel Messi cinquième avec 747 buts en 951 matchs.

Josef Bican sous les couleurs du Slavia Prague


Sa renommée internationale lui permet d’être approché par le mythique club de la Juventus de Turin, qui comme tous les clubs européens, est décimé par la Seconde Guerre Mondiale et cherche à recruter des joueurs qui pourraient redynamiser le club. Josef Bican refuse cependant la proposition, craignant que les communistes puissent prendre le pouvoir en Italie.


En Tchécoslovaquie, les communistes essayent de collaborer avec lui afin de mettre en valeur le parti. En désaccord avec leurs idées, il décline leur offre. Josef décide alors de prendre position dans la politique Tchécoslovaque afin de lutter contre cette idéologie.


Cette approche a lieu au lendemain de Seconde Guerre Mondiale, dans un monde qui se divise en deux blocs, l’un communiste à l’Est influencé par l’Union Soviétique et l’autre capitaliste à l’Ouest avec les Etats-Unis comme figure de proue. La scission entre les deux grands vainqueurs de la guerre se fait ressentir en Tchécoslovaquie par la montée au pouvoir du Parti communiste tchécoslovaque qui élimine peu à peu ses opposants politiques, si bien que le président de la République, Edvard Benes, cède son pouvoir aux communistes, bénéficiant du soutien de Moscou.


Le coup de Prague du 17 au 25 février 1948 se produit et la Tchécoslovaquie tombe dans le bloc de l’Est. Josef Bican n’échappe pas à l’élimination des opposants politiques par les communistes qui cherchent dès lors à le faire tomber dans l’oubli afin d’éviter qu’il soit l’étendard d’un régime politique désormais révolu. L'enfant des quartiers populaires de Vienne est alors qualifié de « bourgeois viennois »


Pourtant, sa renommée s’achève en même temps que la démocratie en Tchécoslovaquie. Josef Bican poursuivra tant bien que mal sa carrière mais changera de club en 1952 pour intégrer celui du FC Hradec Králové. Il revient un an plus tard au sein de la capitale Tchécoslovaque, sous la pression des communistes, pour endosser les couleurs du Dynamo Prague, en même temps qu’il travaille désormais à l’usine pour subvenir à ses besoins. Il intègre ensuite l’équipe de Spartak Brnoavec, avec laquelle il met un terme à sa carrière à 42 ans en 1955, mettant ainsi fin au record du plus vieux joueur de football dans un championnat professionnel.


Il connaît par la suite une carrière d’entraîneur en débutant au lendemain de sa retraite au Slavia Prague, puis change cinq fois de club jusqu’en 1960. Il profite ensuite de la réforme libérale mise en place dans le pays en 1968 nommée « Printemps de Prague », pour aller en Belgique et y entraîner la modeste équipe du Sportklub Tongeren qu’il hissera du 4ème au 2ème échelon national, s’octroyant aussi une réputation d’entraîneur à succès.


Il décède dans l’anonymat le 12 décembre 2001 à Prague, au sein de l’actuelle République Tchèque. La vie de Josef Bican témoigne ainsi d’un homme en avance sur sa discipline sportive pour son époque, au sein d’un football pré-professionnel. Les troubles politiques et géopolitiques du 20ème siècle contribuent à alimenter une part mystique de ce personnage, dépassant de ce fait la fonction du plus grand buteur de son sport, pour devenir un homme d’Histoire.


Cercueil de Josef Bican au cimetière de Vyšehrad



Mathieu Coutelette


Sources :


https://www.lequipe.fr/Football/Article/Josef-bican-meilleur-buteur-de-l-histoire-sort-de-l-oubli-grace-a-cristiano-ronaldo/1229134





bottom of page