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Le crashgate de Singapour

Dernière mise à jour : 1 oct. 2021

Nelson Piquet Jr. écrase sa Renault contre le mur lors du Grand Prix de Singapour 2008. L'accident offre la victoire à son coéquipier Fernando Alonso avant que les manigances de Flavio Briatore et Pats Symonds ne soient révélées.

L'accident de Neslon Piquet Jr. lors du Grand Prix de Singapour 2008/Motorsport.

Le 28 septembre 2008, la ville de Singapour inaugure son circuit urbain tracé autour de Marina Bay. C’est sur ce parcours sinueux de 23 virages que les Formule 1 vont faire rugir leurs moteurs sur l’asphalte singapourien. Pour la première fois, la piste ne sera éclairée qu’à l’aide des lumières artificielles et se déroulera en nocturne après 58 ans d’existence du championnat du monde et 799 courses disputées à la lumière du jour. Pourtant, cet évènement va être largement supplanté par la sortie de route de Nelson Piquet Jr. Un accident qui favorisera grandement la victoire de Fernando Alonso sous fond de manigance de l’écurie Renault. Un grand prix à jamais gravé dans la légende du sport automobile. Pour le pire.


Un nouveau contexte


Pour la première fois de l'Histoire, la course se disputera en nocturne. Une initiative qui revient au « grand argentier » de la Formule 1, Bernie Ecclestone. Pour maximiser le potentiel télévisuel et économique de son sport, il fait le choix de proposer des courses à des horaires réguliers pour fidéliser autant que possible son public. Son choix va se porter sur le dimanche, avec un horaire de base de 14h00, heure européenne. Pour bénéficier autant que possible de la manne financière que représente les droits télévisés, il tend à favoriser les téléspectateurs du vieux continent. Un choix qui n’a rien d’étonnant puisque les passionnées de Formule 1 s’avère être majoritairement des Européens.


Ainsi, en 2019, les cinq principaux marchés étaient le Brésil, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni et les Pays-Bas avec plus de 100 millions de spectateurs sur l’année dans chacun de ces pays. C’est pourquoi les Grands Prix extra-européens ont pu subir des décalages horaires dont Singapour a été le premier à le faire de nuit, déployant 1485 lampes posés sur des pylônes qui atteignent les dix mètres de hauteur pour un coût énergétique total de trois millions de Watt !


La nouveauté ne semblait néanmoins pas déranger outre mesure les pilotes comme Sébastien Bourdais, qui déclarait alors « On se croira en plein jour tellement la lumière sera forte et, à la limite, on sera peut-être équipé avec des visières foncées comme pour un ciel très ensoleillé. ». L’interrogation venait sans doute bien plus des horaires comme l’affirmait Timo Glock « En général, les courses de nuit ne posent pas de problème, car avec l'éclairage vous y voyez presque comme en plein jour. Par contre, ce qui est plutôt bizarre, c'est de rouler à une heure où normalement vous vous reposez ». L’exemple de Nelson Piquet Jr. est parlant. Le Brésilien se coucher à deux heures du matin pour se réveiller aux alentours de onze heures. En plus de ce changement de rythme le pilote de chez Renault dormait avec un masque et ne portait pas de lunettes de soleil durant la journée dans le but d’accentuer la différence entre lumière et obscurité, propice au sommeil. Enfin, pour mieux réguler son horloge biologique le Brésilien prenait de la mélatonine.

Felipe Massa devant Lewis Hamilton au départ du Grand Prix de Singapour 2008.

La course


Le grand prix de Singapour accueille la quinzième des dix-huit manches du championnat du monde de Formule 1. La cinquante-neuvième édition du championnat du monde des pilotes. Au volant de sa Ferrari, Felipe Massa s’adjuge la pole position en 1 min 44s 801 devant le Britannique Lewis Hamilton relégué à plus de six dixièmes (1 min 45s 465) tandis que Kimi Räikkönen complète le podium sur la grille de départ (1 min 45s 617). Un véritable avantage pour Felipe Massa qui, avec 77 points, occupe la position du chasseur avec seulement un point de retard sur Lewis Hamilton au classement général. Derrière, les Renault de Fernando Alonso et de Nelson Piquet Jr. occupe de pénibles quinzième et seizième place. L’espagnol avait pourtant réussi à être par deux fois le plus rapides lors des essais libres mais un problème mécanique durant la Q2 (deuxième partie des qualifications) annihile tout espoir « J'aurais besoin d'un miracle pour pouvoir gagner des places » lâchait alors piteusement l’espagnol.


A peine le départ donné Felipe Massa, profitant de sa pole position, va rapidement s’échapper tandis que l’avance de Lewis Hamilton sur Kimi Räikkönen, qui enchaine les records du tour, fond. De son côté Alonso arrive à reprendre trois places et se retrouve douzième. Au douzième tour, le pilote espagnol s’arrête au stand. Un choix qui surprend la majorité des observateurs par sa précocité. Seulement un tour plus tard, Nelson Piquet Jr., son coéquipier chez Renault, réalise une violente sortie de piste. Il adresse à son écurie un simple « I’m sorry guys » d’une voix que la radio fait grésiller. À la suite de cet incident la Safety Car (voiture de sécurité) est de sortie. Elle immobilise la course afin d’éviter tous dégâts supplémentaires. En parallèle, pour éviter un gain de temps des pilotes, les stands sont clos jusqu’à temps que la course reprenne. Alonso, dont l’arrêt au stand a été parfait récupère la tête de la course. Il bataille avec Rosberg un temps en leader du grand prix mais l’Allemand ne résistera pas à la pénalité qui lui a été infligé pour un arrêt au stand. Les règles sont strictes afin d’éviter tout gain de temps lors d’un passage au pit-lane lors de l’immobilisation de la course. Les pilotes à court d’essence n’ont alors d’autre choix que d’abandonner ou de se rendre aux stands et de subir une pénalité.



Fernando Alonso finira par prendre la tête de la course à partir du trente-quatrième tour. L’espagnol passera par les stands une dernière fois au quarante-unième tour ressortissant en tête devant David Coulthard et Lewis Hamilton avant que le Britannique de chez Mercedes ne dépasse son compatriote au volant de sa RedBull. Neuf tours plus tard, la Safety Car va de nouveau être déployée. Adrian Sutil souhaitant éviter Felipe Massa, sortie de la piste, va venir frapper le mur. Une fois l’incident clos Fernando prend les devants et s’échappe. Il ne sera jamais rattrapé et s’imposera devant Nico Rosberg et Lewis Hamilton. Sa première victoire depuis le grand prix de Monza en 2007, un an et vingt-neuf jours auparavant. Une course riche en rebondissements et un vainqueur inattendu, aidé par l’accident de son coéquipier Nelson Piquet Jr., dont le tête à queue aura grandement avantagé l’impressionnante remontée de l’espagnol grâce au déploiement de la voiture de sécurité.


En parallèle, le Brésilien Felipe Massa a perdu gros durant cette course. Dans le dix-septième tour le pilote de Ferrari, alors en tête de la course, s’arrête aux stands, et à la suite d’une mauvaise manipulation de son équipe, arrache le tuyau d'alimentation d'essence. Le temps que les mécaniciens retirent ce tuyau engendre une importante débauche de temps et Felipe Massa se voit contraint de repartir en dernière position. Il finira finalement à la treizième place (sur quinze finisseurs) lâchant six points à Hamilton (troisième). Un grand prix particulièrement couteux lorsque l’on sait que le pilote brésilien s’inclinera au classement général pour un point… Et que cette deuxième place restera son meilleur classement sur une saison régulière !


Les révélations de TV Globo


Les premières suspicions d’une manigance de Renault lors de ce grand prix de Singapour apparurent lorsque Nelson Piquet Jr. fut renouvelé pour la saison 2009 malgré des résultats ternes. Chez Ferrari la pilule est particulièrement difficile à avaler. Au sein de l’écurie italienne on a le sentiment que le déploiement de la voiture de sécurité a fait perdre de précieux points à Felipe Massa.


A la fin du mois de juillet 2009, et à la suite de son éviction de Renault, Nelson Piquet Jr. et son père (Nelson Piquet senior) accuse publiquement et attaque en justice l’écurie française pour l’avoir obligé à avoir un accident lors du Grand Prix de Singapour 2008 « La proposition de provoquer délibérément un accident m'a été faite peu de temps avant la course, lorsque M. Briatore et M. Symonds m'ont convoqué dans le bureau de M. Briatore. M. Symonds, en présence de M. Briatore, m'a demandé si je serais prêt à sacrifier ma course pour l'équipe en provoquant une voiture de sécurité » raconte le Brésilien. Il avoue avoir accepté en soulignant son état émotionnel d’alors « Au moment de cette conversation, j'étais dans un état d'esprit très fragile et émotionnel. Cet état d’esprit a été provoqué par un stress intense dû au fait que M. Briatore avait refusé de me dire si mon contrat serait renouvelé ou non pour la prochaine saison (2009), comme c’est habituellement le cas au milieu de l'année (vers juillet ou août). Au lieu de cela, M. Briatore m'a demandé à plusieurs reprises de signer une "option", ce qui signifiait que je n'étais pas autorisé à négocier avec d'autres équipes entre-temps » Il ajoutera avoir accepté pour une unique raison « j'espérais que ceci améliore ma position dans l'équipe à ce moment critique de la saison ».


Renault réagira rapidement et s’estimant victime d’un chantage déposera plainte contre Nelson Piquet senior et Junior déclarant dans un communiqué « L’écurie de F1 ING Renault et son directeur Flavio Briatore ont initié une procédure judiciaire en France à l’encontre de Nelson Piquet Jr et Nelson Piquet pour dénonciation calomnieuse et tentative de chantage aggravé afin de permettre à M. Piquet Jr de conserver son volant pour le reste de la saison 2009. » Son ancien manager Flavio Briatore aura la dent dure envers le Brésilien « Piquet Jr, j’ai cherché de toutes les manières à ce qu’il ait de bonnes performances pour l’équipe. La seule chose qu’il n’a jamais faite, c’est réaliser des bonnes performances. Il a fait tout le reste mais il n’a eu aucun résultat. »


Mais le 30 août 2009, dans la foulée de ces accusations du pilote brésilien, l’affaire bascule. La chaîne de télévision brésilienne TV Globo révèle disposer d'informations prouvant que l'accident de Nelsinho Piquet aurait été planifié par le directeur de l'écurie Flavio Briatore en collaboration avec l'ingénieur Pat Symonds. Ces derniers auraient intimé l'ordre au pilote brésilien de provoquer volontairement son accident afin de favoriser la victoire de son coéquipier Fernando Alonso. Le média brésilien pointe du doigt le lieu du crash. C’est dans le dix-septième virage que Piquet part en tête-à-queue. Un virage sans grue, contraignant la voiture de sécurité à sortir. Alors que tous les pilotes iront au pit-stop peu après cet incident, Alonso a profité de son arrêt au stand, un tour auparavant, pour effectuer une remontée spectaculaire. Parti quinzième sur la grille l’espagnol se retrouve en première position dans le sillage de la voiture de sécurité avant d’aller décrocher le premier succès de la saison pour Renault.

Fernando Alonso célèbre sa victoire au Grand Prix de Singapour 2008.

La justice s’empare de l’affaire


À la suite des révélations de TV Globo, la FIA (fédération Internationale de l’Automobile) ouvre une enquête officielle. Afin de juger l’affaire, un conseil mondial extraordinaire est réuni le 21 septembre 2009. Dix jours avant le conseil fatidique, Renault parle de l’assignation en justice de Nelsinho Piquet et de son père en ces termes : « la production de fausses allégations et une tentative connexe de faire chanter l’équipe pour permettre à M. Piquet Jr de piloter pour le reste de la saison 2009 ».


Cinq jours plus tard (soit cinq jours avant le conseil mondial de la FIA) Renault reconnait la tricherie de Flavio Briatore et de Pats Symonds et renvoie les deux hommes dans la foulée. Lorsque le verdict couperet de la FIA tombe moins d’une semaine plus tard il abonde dans ce sens « ING Renault F1 Team a reconnu que l'équipe avait planifié avec son pilote Nelson Piquet Jr de causer délibérément un accident lors du Grand Prix de Singapour 2008, allant à l'encontre du Code Sportif International et de la Règlementation Sportive de la F1. Renault F1 a déclaré lors de l'audience avoir mené une enquête interne qui a trouvé que Flavio Briatore, Pat Symonds et Nelson Piquet Jr avaient conspiré de causer un accident et qu'aucune autre personne de l'équipe n'était impliquée dans la manigance. ».


Dix jours après la condamnation de Renault, Felipe Massa réclame l’annulation du Grand Prix de Singapour 2008 sur la chaine Globo estimant que le résultat de la course a faussé le championnat du monde des pilotes « Tout ce qui s'est passé relève du vol, bien que sur la course à proprement parler il ne se soit rien passé. Le résultat reste donc le même. Ce n'est pas juste. Le vol a changé le cours du championnat et j'ai perdu pour un point le titre (de champion du monde). »

Felipe Massa lors du Grand Prix de Singapour 2008.

Reconnu coupable de tricherie, la sanction est sans appel Flavio Briatore sera radié à vie du monde de la Formule 1 et de tout sport régi par la FIA. Symonds écope lui d'une exclusion de cinq ans. Enfin, l’écurie Renault est suspendue à vie avec sursis jusqu’en 2011.


Mais l’affaire ne s’arrête pas là puisque le 18 octobre 2019 Flavio Briatore saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris où siège la FIA. Il remet en cause l’impartialité de la FIA en raison des relations exécrables qu’il entretient avec son président, Max Mosey. Il déclare à propos de ce dernier qu’il « a voulu le détruire […] C'est une vengeance de la part de Max Mosley qui manage la FIA et le conseil mondial comme si c'était sa propriété privée ». Face à ces accusations le patron de la FIA réplique que Flavio Briatore est « aveuglé par un désir excessif de vengeance personnelle ».


Finalement, le Tribunal de Grande Instance de Paris donnera raison à l’ancien manager de l’écurie Renault. La radiation à vie de l’Italien est annulée et la Fédération Internationale Automobile est condamnée à lui verser 15 000 euros de dommages et intérêts. Pats Symonds, l’ancien directeur technique obtient également gain de cause et bénéficie de 5000 euros de dommages et intérêts. Face à ce camouflet la FIA entend faire appel. Ce ne sera finalement pas nécessaire puisque l’instance automobile trouvera un terrain d’entente avec Flavio Briatore et Pats Symonds. Les deux anciens de chez Renault s’engagent à ne plus avoir de « fonction opérationnelle » en Formule 1 jusqu’au 31 décembre 2012 et de toutes les autres compétitions de la FIA jusqu'à la fin de la saison 2011 mais aussi à renoncer à leurs indemnités. Un compromis accepté par les instances juridiques.

Pat Symonds à gauche et Flavio Briatore à droite.

Dix ans après ces évènements, Flavio Briatore a conservé une certaine rancœur envers la FIA et son ex-président Max Mosley « Le plus important, c'est que pour la première fois, j'ai été convoqué par le Conseil Mondial de la Formule 1 – ou devrais-je dire, le Conseil Mondial Mickey Mouse ! » explique-t-il dans le podcast Beyond the Grid avant de poursuivre « Max [Mosley] décide, tout le monde acquiesce. J'ai perdu mon pass, mais j'ai été complètement blanchi par le tribunal de grande instance de Paris. Cela me suffit. » De son côté Felipe Massa, dans une interview accordée au magazine Autosport, a remis en cause Fernando Alonso dont le nom n’est resté que peu évoqué dans cette affaire « Bien sûr qu’il était au courant de tout, mais il ne me le dira jamais ». Il relativise néanmoins le rôle joué par le pilote espagnol « je suis sûr que ce n’est pas lui qui a joué à l’époque le rôle le plus important dans cette affaire ».


La chute de Renault


Avant cet incident Renault ne se portait pas au mieux. Pourtant lors des saisons 2005 et 2006, Fernando Alonso, sous la coupe de son manager Flavio Briatore, remporte les titres de champion des pilotes et Renault décroche les titres de champion des constructeurs. Patrick Faure, le PDG de Renault F1 déclarait le soir du titre des constructeurs 2006 « la preuve est faite. Personne ne pouvait se mesurer aux Renault aujourd'hui et personne n'aurait pu nous empêcher de gagner ».


Mais en 2007, le ciel va se noircir. Fernando Alonso part chez McLaren où il échouera dans sa quête d’un nouveau titre pour un petit point face à la Ferrari de Räikkönen. Bien qu’il ait été coiffé au poteau par le finlandais, l’espagnol semble avoir réalisé une belle année. Mais de nombreux problèmes internes émaillent la saison. Le pilote ibérique et l’écurie McLaren ont ainsi été accusés par Ferrari d'avoir utilisé illégalement certains des documents confidentiels de l’écurie italienne. La marque britannique sera reconnue coupable d'espionnage et se verra infligée une amende de 100 millions de dollars couplée à une exclusion du championnat des constructeurs. En décembre 2007, l'écurie française Renault F1 Team, bien que reconnue coupable par la FIA de posséder des documents en provenance de chez McLaren, n'est pas sanctionné. Le Conseil Mondial du sport automobile de la FIA estime qu'il n'était pas prouvé que le championnat ait été affecté en conséquence.


De plus, les relations au sein de l’équipe ne sont pas au beau fixe. En 2018, la BBC affirmait que Alonso aurait essayé de faire chanter McLaren lors du Grand Prix de Hongrie 2007 pour que l’équipe sabote la monoplace de Lewis Hamilton afin que le Britannique tombe en panne d’essence durant la course. Les deux hommes entretenaient alors des rapports conflictuels dont le point d’orgue restera le prix de Hongrie. En parallèle, ses relations avec le management de Ron Dennis seront particulièrement mauvaises au cours de l’année.


De leur côté, Renault a aussi connu une saison 2007 difficile. L’écurie française ne décroche pas une seule victoire et conclut la saison à la troisième place des constructeurs (en raison de la disqualification de McLaren) mais loin de Ferrari, qui collecte 218 points contre 51 pour Renault. La voiture à énormément souffert lors du passage des pneus Michelin aux pneus Bridgestone et l’Italien Giancarlo Fisichella va enchainer les désillusions. Recruté en 2005, les attentes autour de ce dernier sont fortes. Durant deux saisons (2005 et 2006) il est dominé par son coéquipier Fernando Alonso. La saison 2007 continuera d’être riche en désillusions pour le pilote transalpin. Il terminera la saison à la huitième place du classement général en cumulant neuf points de retard sur son coéquipier, le finlandais Heikki Kovalainen, qui fait alors ses grands débuts en Formule 1.


En 2008, Renault poursuit sur la lancée de l’année passée et ne remporte aucune victoire. Le double champion du monde Alonso ne monte sur aucun podium lors de la première moitié du championnat et ne marque que treize petits points au classement général. En deuxième moitié de saison, il débloque le compteur de Renault à Singapour avant de remettre le couvert au grand prix du Japon. Il finira finalement à une honorable cinquième place tandis que Nelsinho Piquet conclura la saison à un pénible douzième rang.


Fernando Alonso lors du Grand Prix de Singapour 2008.

Mais c’est bien le « crashgate » qui mettra définitivement fin à l’aventure de Renault en Formule 1. Le 24 septembre 2009, ING annonce la fin de sa collaboration avec Renault et se dit « profondément déçu de la tournure des événements. Renault F1 devait se conformer à toutes les règles et aux règlements de la FIA » explique la banque dans une communiqué. Mùtua Madrilena emboite le pas « La non-conformation (aux règles) conduit Mutua à mettre fin unilatéralement et de manière immédiate au contrat ». Le sponsor espagnol et ING laissent Renault sans leurs commanditaires principaux jusqu’à la fin de la saison 2009.


L’année suivante sera marquée par le rachat du consortium d’investissement de Genii Capital. Un rachat partiel mais Renault possède désormais plus qu’une part minoritaire de l’équipe. Un choix justifié par de forts besoins pécuniers comme le décrivait Jena-François Caubet, directeur général de Renault F1 Team à l’époque « Renault a retenu Genii Capital pour 3 raisons : en premier leur sens de la course (…) Deuxièmement leur financement, car non seulement ils nous aideront en ce sens mais ils nous apporteront des sponsors. Depuis le départ de ING, nous sommes en manque de sponsors, lesquels représentent non seulement du financement mais aussi de la participation croisée en plus. Troisièmement, ils apporteront de la créativité, car nous en avons besoin, et cette équipe arrivait en fin de cycle ».


En 2011, l’écurie prend le nom de Lotus Renault GP avant de ne plus avoir le statut de constructeur entre 2012 et 2015 et devient Lotus F1 Team. Une première depuis la création de Renault F1 Team… en 1977 ! A partir de 2016, l’écurie française retrouvera finalement le nom de Renault faisant son ainsi son retour en tant que constructeur par le biais du rachat de l’écurie Lotus F1 Team. Mais le constructeur ne se relèvera jamais vraiment du « crashgate », le scandale étant couplé à un déclin mécanique. Renault n’a ainsi remporté aucun grand prix entre 2009 et 2020 (en tant que constructeur) n’a décroché qu’une petite pole position et n’aura su se hisser au mieux qu’à la quatrième place du classement mondial des constructeurs.


Des retombées inattendues


Le « crashgate » de Singapour a eu de nombreuses retombées notamment sur la carrière… du finlandais Hekki Kovalainen. Si le pilote n’est pas impliqué dans l’accident de Nelson Piquet Jr. son manager l’est puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que de Flavio Briatore ! Pour la FIA il était inacceptable de retrouver sur les pistes des pilotes liés à Briatore tandis que ce dernier ne comptait pas laisser filer si facilement ses clients.


Hekki Kovalainen lors du Grand Prix de Singapour 2008.

Dans le podcast Beyond The Grid, Kovalainen se remémore une situation « relativement compliquée » expliquant s’être retrouvé « dans un conflit de management avec Flavio. […] En octobre 2009, la FIA m'a dit qu'on ne me donnerait pas la Super Licence si Flavio était mon manager. ». Le pilote finlandais relate sa situation et son choix fait en 2009 « J'avais une offre de Mike Gascoyne et Tony [Fernandes, qui étaient à la tête du projet Lotus Racing]. Il était assez évident que McLaren n'allait pas me garder. Lotus voulait me faire signer dès que possible, mais j'ai eu un message de la FIA comme quoi je ne pouvais pas signer ça avec Flavio. J'ai donc interrompu le contrat de management avec Flavio et j'ai pris les choses en main pour signer avec Lotus. À l'époque, je pensais que ce n'était pas le meilleur choix de carrière possible : si j'avais eu la possibilité de rejoindre une écurie légèrement meilleure, plus établie, c'est sûrement ce que j'aurais fait. Je me suis toutefois dit que partir du fond de grille dans une nouvelle équipe, avec des perspectives d'avenir, était la bonne chose à faire. Initialement, j'ai trouvé ces personnes sérieuses et cette écurie prometteuse, cela semblait être un bon choix. Finalement, c'était le mauvais. » Il avoue regretter ses choix « j’ai été en procès avec Flavio pendant quelques années. En fait, l'une des plus grandes erreurs de ma carrière a été de quitter la firme de management de Flavio ». Une carrière qui peut laisser un goût d’amertume pour cet ancien pilote prometteur qui a conclu sa carrière… avec une série record de 62 Grands Prix sans marquer le moindre point !


De nombreux perdants et un grand vainqueur


La nuit d’encre de Singapour aura finalement fini par dévoiler de nombreux secrets sur fond de malversations et de gros sous. Beaucoup n’en ressortiront pas indemnes, à l’instar de Neslon Piquet Jr. qui abandonnera la Formule 1 au profit du Nascar ou encore de Flavio Briatore qui dira adieu au paddock après plus de vingt ans dans le milieu. Pat Symonds, de son côté, a réussi à passer entre les mailles du filet et, une fois sa suspension levée, retournera dès 2013 aux affaires en devenant chef du département technique de Williams F1. Fernando Alonso dont l’implication réelle dans cette affaire restera floue a quant à lui réussi à glaner pas moins de seize victoires après les révélations de son coéquipier mais il échouera à redevenir champion du monde finissant par trois fois sur la seconde place du podium en 2010, 2012 et 2013.


Felipe Massa de son côté ne reviendra jamais au niveau qui était le sien cette année-là et ne sera plus en mesure de disputer à nouveau le titre de champion du monde des pilotes glané en 2008 par Lewis Hamilton. Un protagoniste souvent oublié du « crashgate » dont il reste pourtant le grand gagnant. En réussissant à se hisser à la troisième place dans la nuit singapourienne, le Britannique a probablement remporté le championnat du monde ce soir-là. Il devient ainsi en 2008, le plus jeune champion du monde de l’histoire à 23 ans 9 mois et 6 jours (il sera détrôné par Sebastian Vettel qui deviendra champion du monde en 2010 à l’âge de 23 ans 4 mois et 11 jours). Aurait-il eu autant de victoires à son actif sans la manigance de l’écurie Renault ? Nul ne le sait, mais ce succès à néanmoins posé les bases d’une carrière jalonnée de succès.

Lewis Hamilton champion du monde 2008.

Sources :



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